C’est dans l’absorption, dans le corps assis, dans le rythme, le mouvement du souffle, dans l’absorption dans l’expérience vivante de chaque instant qu’il peut y avoir la dissolution des obsessions, des ruminations mentales, des différents attachements et conditionnements, qu’il peut y avoir dissolution de l’appropriation et du système de fonctionnement de l’identification.
Aussi difficile que cela puisse parfois paraître, il n’y a rien d’autre à réaliser que de se libérer des liens, des attaches à ce système de fonctionnement. Car tant que nous sommes liés à ce système, nous sommes pris dans l’étau de la dualité de la saisie, du rejet, de l’exclusion sans avoir toujours conscience que cela est souffrance.
Quand nous sommes établis dans la méditation assise, ce qui est important ce n’est pas qu’il y ait des phénomènes mentaux ou qu’il n’y en ait pas, mais le point crucial est de se libérer de l’appropriation et du système d’identification à cela. Car de toute façon, tant que nous sommes vivants, notre existence sera toujours parsemée, jalonnée de phénomènes, de conditions, d’événements parfois agréables, parfois difficiles, même très difficiles.
Ce qui est important c’est comment nous entrons en relation avec cela. Comme la plupart du temps nous sommes liés à ce système d’identification et d’appropriation, nous agissons de manière réactive en étant pour ou contre. Le système que j’appelle souvent « système conditionné » agit de manière réactive, agit pour sa survie. Depuis notre enfance, nous sommes conditionnés pour atteindre des objectifs, pour être efficaces, pour lutter, pour réaliser quelque chose, pour devenir quelqu’un. Mais nous n’avons jamais été accompagnés pour tout simplement être. Nous n’avons jamais été accompagnés pour vivre, pour réaliser le bonheur, la simple joie d’être. Nous n’avons jamais été accompagnés pour être accordés à la danse, à la musique de l’univers.
Le système de fonctionnement auquel nous sommes liés, identifiés, est aussi le système de fonctionnement de la société humaine. Ce système qui génère l’exclusion, la misère, la faim dans le monde, des guerres, de la souffrance…
C’est dans ce sens qu’il est finalement essentiel de nous asseoir, de nous établir dans l’attention pure, (c’est-à-dire dans une attention qui ne saisit rien, ne rejette rien) dans les moindres tissus de ce qui compose notre vie. Car il est essentiel que nous puissions éclairer ce système de fonctionnement, de nous en libérer pas seulement pour nous-mêmes, pour notre propre existence mais pour tous les êtres.
Tous les êtres, c’est-à-dire non seulement les êtres humains mais tous les êtres vivants, les végétaux, les animaux, les minéraux… De réaliser ainsi profondément, pas seulement d’un point de vue philosophique, l’interdépendance.
Alors s’asseoir totalement, s’asseoir et marcher sur la voie de la libération dans les moindres moments de sa vie, marcher par soi-même pour les autres, pas dans une intention volontaire de cela mais par le fait de l’interdépendance avec tous les êtres : ce qui se libère en nous-mêmes, ce qui s’éveille en nous-mêmes, se libère et s’éveille dans tous les êtres.
Alors dans ce sens, marcher sur la voie de la libération est une des plus grandes aides que nous puissions faire pour l’humanité non seulement dans la méditation assise face au mur, face à soi-même, mais aussi dans cette attention pure que nous pouvons établir dans chaque action, dans chaque manière d’être dans notre vie.
Au sein de l’attention pure se déploie l’intelligence du cœur qui rayonne naturellement, sans intention, pour tous les êtres.