Par conséquent, il est nécessaire d’abandonner une pratique qui ne se fonde que sur la compréhension intellectuelle et sur les concepts. Apprendre l’introspection qui dirige la lumière vers l’intérieur, pour illuminer notre vraie nature. Le corps et l’âme d’eux-mêmes s’estomperont, et notre visage originel se révélera. Si nous voulons atteindre l’éveil, il est nécessaire de pratiquer sans tarder.

Pour Sanzen, une pièce silencieuse convient. Mangez et buvez frugalement. Refusez tout engagement et abandonnez toutes préoccupations. Ne pensez pas : « ceci est bien, cela est mal ». Ne prenez aucun parti. Arrêtez tous les mouvements de l’esprit conscient. Ne portez aucun jugement sur ce qui est pensé. N’ayez aucune envie de devenir un bouddha. Zazen n’a radicalement rien à voir avec la position assise ou la position allongée.

A l’endroit où vous avez l’habitude de vous asseoir, étendez une natte épaisse et placez un coussin dessus. Asseyez-vous en lotus ou bien en demi-lotus. Dans la posture du lotus, placez d’abord votre pied droit sur votre cuisse et votre ceinture, puis arrangez-les décemment. Placez votre main droite sur votre pied gauche et votre main gauche sur votre main droite ; les extrémités des pouces se touchent.

Asseyez-vous bien droit, dans une posture correcte, ni penché à gauche ni penché à droite, ni en avant ni en arrière. Assurez-vous que vos oreilles sont dans le même plan que vos épaules et que votre nez se trouve sur la même ligne verticale que votre nombril.

Placez la langue en avant contre le palais ; la bouche est fermée et les dents se touchent. Les yeux doivent rester toujours ouverts et vous devez respirer doucement par le nez. Quand vous avez pris la posture correcte, respirez profondément une fois, inspirez et expirez. Inclinez votre corps de droite et de gauche ; et immobilisez-vous dans une position assise stable. Pensez à ne pas penser.

Comment pense-t-on à ne pas penser ? C’est aller au-delà de la pensée, cela en soi est l’activité essentielle du zazen. Le zazen dont je fais mention n’est pas l’apprentissage de la méditation, mais le dharma qui procure la paix et le bonheur, la pratique et la réalisation d’un éveil parfait. Zazen est l’expression de l’ultime réalité. Les pièges et les filets ne peuvent pas le capturer. Une fois que vous avez saisi son essence, vous êtes comparables au dragon quant il entre dans l’eau et analogue au tigre quand il s’enfonce dans la montagne. A l’instant où on pratique zazen et que l’on rejette toute distraction et laisse aller tant le mental que le physique, le vrai Dharma se manifeste.

Quand vous vous relevez, bougez doucement et sans vous hâter, restez calmes mais volontaires. Evitez d’être brusques. Quand on se réfère au temps jadis, on constate que la transcendance de l’éveil et du non-éveil, que mourir en position assise ou debout, ont toujours découlé de la fermeté du zazen pratiqué.

L’ouverture à l’éveil occasionnée par un doigt, une bannière, une aiguille, un maillet, la réalisation grâce à un chasse-mouches, un poing, un bâton, un cri, tout cela ne peut être saisi pleinement ni par la pensée rationnelle, ni par l’exercice de pouvoirs surnaturels. C’est au-delà de ce que l’homme peut entendre et voir, un principe qui précède les connaissances et les perceptions.

Il importe peu que l’on soit ou pas intelligent. Il n’y a pas de distinction entre un sot et un quelqu’un qui ne l’est pas. Quand on concentre son effort d’un seul esprit, cela en soi est négocier la voie. La pratique et la réalisation sont pures par nature. Avancer sur la voie est une affaire de persévérance.

Ce monde et d’autres, en Inde et en Chine, respectent dans l’ensemble le sceau du Bouddha. Ce qui prime dans cette école est la dévotion à la méditation assise tout simplement, s’asseoir immobile dans un engagement total. Il est dit qu’il y a autant d’âmes que d’hommes, tous négocient la voie par la pratique de zazen. Pourquoi abandonner les privilèges du fils de maison pour errer sur les routes poussiéreuses ? Un seul faux pas, et vous vous écartez du chemin qui est tout tracé devant vous.

Vous avez cette chance unique de prendre une forme humaine ; ne perdez pas votre temps. Vous apportez votre contribution à l’ouvrage de la voie du Bouddha. Qui prendrait un plaisir vain à la vue de l’étincelle qui jaillit du silex ? Forme et substance sont comme la rosée sur l’herbe et la destinée semblable à un éclair. Elles s’évanouissent toutes en un instant.

Je vous en prie, honorés disciples du zen, accoutumés à palper l’éléphant dans l’obscurité, ne craignez pas le vrai dragon. Consacrez vos énergies à la voie qui indique l’absolu. Respectez l’homme qui a réalisé et qui se situe au-delà des actions des hommes. Mettez-vous en harmonie avec l’illumination des Bouddhas. Suppléez à la succession légitime du satori des Patriarches. Adoptez cette conduite et vous serez comme eux. Votre salle au trésor se donnera à vous et vous en userez comme bon vous semblera.