On ne cherche pas à saisir quelque chose. On n’essaie pas de comprendre zazen, de comprendre le zen depuis le cerveau frontal. On s’abandonne complètement dans la pratique elle-même. C’est-à-dire qu’on pratique avec son corps entier, avec ses muscles, sa chair, sa peau, avec ses os, ses cellules. Il n’y a pas la moindre partie de soi-même qui ne pratique pas zazen.
Alors dans cette pratique on évite de créer des images mentales, on évite de faire des représentations mentales de la pratique, de la posture. C’est-à-dire qu’on est complètement dans ce corps, et dans cette respiration : sentir véritablement les genoux qui sont en contact avec le sol, qui pressent naturellement le sol, sentir cette bascule du bassin, sentir ce poids du corps qui vient peser sur le coussin, sentir cette colonne vertébrale qui s’étire vers le ciel, jusqu’au sommet de la tête, sentir le tranchant des mains sur le bas-ventre, le contact des pouces qui sont horizontaux, sentir chaque inspir, chaque expir, être vraiment dans ce corps.
Au fond, la pratique de zazen nous met dans une position très humble. On est assis directement sur le sol, juste cette colonne vertébrale qui s’étire vers le ciel, et on ne s’empare de rien. C’est-à-dire qu’en ne s’emparant de rien, on ne s’approprie rien. Réaliser que rien ne nous appartient. Même si ces sensations ne sont nulle part ailleurs qu’en nous-mêmes, même si personne d’autre que «nous» a ces pensées, elles ne nous appartiennent pas. Seulement des phénomènes qui apparaissent et qui disparaissent.
Alors pour nous, étudier la Voie, c’est pratiquer cette posture de zazen, ce corps/esprit non séparé, qui a été enseigné, transmis depuis Bouddha, par tous les patriarches, les maîtres zen jusqu’à nos jours. Alors cette pratique est à la fois ancienne et neuve :
– Ancienne parce qu’elle remonte au moins à 2500 ans. Ainsi quand on est assis dans cette posture, nous sommes vieux de 2500 ans. Alors ce n’est pas seulement notre conscience personnelle qui s’assoit en zazen, mais toute cette lignée qui s’assoit. C’est en fait l’univers entier qui s’assoit en zazen.
– Elle est neuve parce qu’elle s’actualise sans cesse, instant après instant. Alors quand vous vous asseyez dans cette pratique, veillez, soyez vraiment très vigilants et vigilantes, à ne pas vous figer dans cette posture, à ne pas rester fixés sur « une » posture. Mais réalisez que cette posture de zazen est sans cesse en mouvement. A chaque instant elle bouge imperceptiblement. A chaque instant on peut corriger cette posture, rétablir instant après instant cet équilibre entre tension et détente, équilibre entre pensée et non-pensée, équilibre entre rigueur et souplesse. C’est-à-dire que chaque instant est une nouvelle pratique, chaque instant est une nouvelle posture, chaque instant est un esprit neuf.
Alors cette compréhension de la voie du Bouddha, compréhension de la voie de la non-séparation, de la non-dualité, se réalise dans le corps, avec le corps. Avec le corps et l’esprit non séparés, non divisés. Alors ne restez pas coincés au niveau du cerveau frontal, ne restez pas prisonniers des notions, prisonniers des pensées en vous en saisissant, en essayant de les rejeter de les combattre, mais revenez plutôt ici et maintenant dans ce corps qui est assis en zazen, et dans la respiration.
Ainsi habitant complètement, totalement, pleinement chaque instant, n’étant pas séparés de notre vie d’ici et maintenant, ne nous échappant pas de quoi que ce soit, alors nous nous retrouvons chez nous, dans ce village natal qui n’est nulle part ailleurs qu’exactement « là » où nous nous trouvons.